« La guerre contre les automobilistes : destructrice et immorale »

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Pascal Salin

Professeur émérite d’Economie

à l’Université Paris-Dauphine

Pour illustrer les absurdités des décisions publiques  de  son  époque,  le  grand économiste  français  du  début  du  XIXe siècle, Frédéric Bastiat, prenait l’exemple de la construction à grands frais d’une ligne  de  chemin  de  fer  entre  Paris  et Bruxelles  afin  de  faciliter  les  transports  de personnes et de  marchandises. Mais une fois la ligne achevée, l’Etat engage de  nouvelles  dépenses  pour  entretenir des  douaniers  chargés  d’empêcher  ou de  freiner les  échanges  de  marchandises. Si Frédéric Bastiat était encore en vie, la période actuelle lui fournirait bien des exemples d’absurdités de ce genre.

Ainsi,  les  gouvernements  français  sont généralement  soucieux  de  maintenir l’activité  de  la  production  d’automobiles,  comme  en  témoigne  l’absurde « prime  à  la  casse »  décidée  en  2010.

Cette mesure a certes stimulé les achats de  voitures  pendant  une  courte  période,  mais  le  rajeunissement  du  parc automobile  qui  en  a  résulté  conduit maintenant à une diminution des achats et  a  essentiellement  eu  pour  conséquence  d’introduire  de  l’instabilité  dans la  production  d’automobiles.  Toujours est-il  que,  parallèlement  à  ce  désir  de maintenir  ou  d’accroître  la production  d’automobiles,  les  gouvernements inventent une série de mesures destinées  à  décourager  les  automobilistes et à les inciter à renoncer à l’usage de la voiture. Ces mesures sont  bien  connues,  qu’il  s’agisse  du permis à points, des contrôles radars, mais  aussi  de  décisions  plus  ponctuelles comme celle qui, à Paris, consiste à supprimer la voie sur berge sur la rive gauche de la Seine de manière à créer des embouteillages censés être dissuasifs pour les automobilistes.

On veut donc produire des voitures, mais on veut dissuader les individus de les utiliser et donc de les acheter ! Les gouvernements sont ainsi victimes d’une erreur intellectuelle fréquente : celle qui consiste à se focaliser sur la production et à ignorer ou mépriser les besoins humains.

Or les êtres humains sont tous confrontés au même problème, celui de la rareté du temps. Ils sont par ailleurs des êtres sociaux, c’est-à-dire qu’ils vivent grâce à leurs rapports les uns avec les autres. Mais aller au-devant d’autrui, aussi bien pour des échanges commerciaux qu’affectifs, cela demande du temps et il est donc rationnel de chercher à réduire le plus possible le temps occupé aux déplacements. C’est bien pour cela que l’automobile a été inventée et on doit la saluer comme l’une des plus grandes réussites de l’esprit humain dans l’Histoire de l’humanité.

L’automobile est un extraordinaire instrument de développement économique parce que le progrès n’est pas possible si l’on ne recourt pas à l’échange; or, l’usage de l’automobile facilite les échanges et, en économisant le temps, il permet aux êtres humains de se consacrer davantage à d’autres tâches productives.

L’automobile est par ailleurs un extraordinaire instrument de liberté parce qu’elle permet à chacun de se déplacer à n’importe quel moment et rapidement.

Mais c’est peut-être, malheureusement, parce qu’elle est un instrument de liberté individuelle que l’automobile déplait à tous les législateurs et règlementeurs qui veulent contrôler la vie des autres, ce qui les conduit par exemple à affirmer qu’il faut donner la priorité aux transports en commun. Pourtant, les transports en commun ne donneront jamais à leurs utilisateurs les satisfactions que procure le véhicule  individuel.

Celui-ci est une sorte de petit abri où se retrouve la famille; il donne une incomparable souplesse pour effectuer toutes les activités que l’on peut prévoir

dans une journée en des lieux fort divers; il permet de transporter facilement  tous les objets dont on a besoin. Freiner l’usage de la voiture individuelle représente donc un coût considérable pour les individus et les familles.

Certes, il existe bien des arguments pour justifier les limitations apportées à la liberté de conduire. Faute de pouvoir examiner en détail tous ces arguments, considérons celui de la sécurité. Celle-ci est accrue, par exemple, par l’aménagement des voies de circulation, les progrès techniques dans l’automobile, la diminution de l’alcoolisme au volant, etc.

Mais les autorités publiques donnent un rôle prioritaire à la vitesse. On peut  évidemment admettre que les accidents sont d’autant plus sérieux que la vitesse des véhicules est plus importante.

Mais, comme dans la plupart des décisions humaines, on ne peut pas se contenter d’un seul critère de décision et il faut mettre dans la balance plusieurs critères qui  peuvent jouer en sens inverse.

Ainsi, le critère du gain de temps conduit à rechercher une vitesse élevée, tandis que le critère de la sécurité incite à modérer la vitesse. Comment arbitrer entre ces deux exigences ? Il ne peut pas y avoir de réponse objective car la détermination d’une vitesse optimale relève normalement des préférences des êtres humains. Le  problème n’est donc pas de savoir s’il faut arbitrer entre ces deux critères, mais de savoir qui doit effectuer les choix correspondants ? Malheureusement, les hommes de l’Etat considèrent que les citoyens sont incapables de faire ces choix et qu’il convient de les faire à leur place. Ils déterminent donc de manière totalement  arbitraire des limites de vitesse censées être valides en toutes circonstances et pour tout le monde. Pourtant conduire une automobile ne devrait pas consister à obéir  passivement à des obligations arbitraires, mais à adapter continuellement sa  conduite à ses propres capacités et aux circonstances concrètes des lieux et des voies de communication où l’on se trouve.

En retirant aux citoyens ce droit à décider et à faire leurs propres choix, les autorités publiques empêchent les êtres humains d’agir selon leur propre nature, c’est-à-dire d’être des individus responsables.

Etre responsable c’est supporter soi-même les conséquences de ses propres décisions. C’est pourquoi le système par lequel la vitesse « optimale » est déterminée arbitrairement et imposée par des autorités publiques au lieu d’être l’objet de  décisions individuelles prises par des personnes responsables est profondément immoral par principe.

Mais il a aussi des conséquences pratiques regrettables.

Ainsi, dans son souci d’éviter les sanctions pour excès de vitesse, un conducteur est incité à regarder son compteur de vitesse ou à rechercher s’il n’y a pas des radars cachés au bord des routes, au lieu de se concentrer sur ce qui devrait être sa priorité : regarder la route, repérer les conducteurs situés dans la même zone que lui, évaluer les dangers.

A cela s’ajoute un climat de stress préjudiciable, dû à la crainte de ne pas se conformer aux prescriptions de vitesse.

On peut d’ailleurs le signaler au passage, de nombreuses études ont montré que la vitesse n’était pas la cause d’accidents la plus importante par rapport à d’autres causes. Mais les pouvoirs publics donnent la priorité à ce qui est le plus facile à contrôler, la vitesse, du fait de l’existence des radars. Et ils peuvent ainsi facilement prélever des amendes auprès des conducteurs.

L’excès de vitesse est une cause majeure de retrait de points et de perte de permis de conduire. Or, ce faisant, les autorités publiques portent une grave atteinte à ce qui devrait être – et qui a été dans le passé – un des principes essentiels du Droit. Si un conducteur a dépassé la limite de vitesse administrative sans causer un quelconque dommage à autrui, il n’y a aucune raison de le sanctionner, sous prétexte qu’il représenterait un facteur de risque.

Si l’on voulait bien le considérer pour ce qu’il est – un être humain responsable – on devrait lui permettre de faire ses choix de conduite librement, mais, bien sûr, le sanctionner s’il crée un dommage à autrui par suite d’un « excès de vitesse » ou pour toute autre raison.

Il serait temps que l’on revienne, vis-à-vis des automobilistes, à une attitude plus conforme aux principes éternels d’une société civilisée. Les défendre ne doit pas être considéré comme la simple satisfaction d’intérêts catégoriels, mais comme le retour non seulement  à l’efficacité économique, mais aussi à une véritable éthique.

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6 commentaires pour « La guerre contre les automobilistes : destructrice et immorale »

  1. Crespin dit :

    Bonjour
    !!! et bien dites moi !! cella fait tout  » drôle  » de lire quelque chose de censé sur l’automobile et son conducteur  » responsable  » en ces temps autophobe

    merci a vous ,

  2. nonpub1nonpub dit :

    Merci de nous rassurer; nous ne sommes donc pas des irresponsables indécrottables et cette sensation qu’on nous prends pour des cons en nous infantilisant est bien un fait, bravo pour la pertinence de cette analyse (et pour la reprise du blog censuré suite à la pression de quelques fachos )

  3. James dit :

    Le fait est connu de tous, même de nos politiques…
    Mais tant que nous ne nous organiserons pas dans un mouvement républicain, en présentant partout nos candidats lors des campagnes électorales, les politiciens en place continueront à nous spolier et à prélever cet impôt déguisé …
    Face à cette imposture une seul solution :
    Engageons nous dans un front républicain …
    Sauvons la démocratie …
    Le temps est venu de ne plus se faire spolier par ces politiciens corrompus …
    Relevons la tête …
    Notre voie :
    Le Mouvement pour l’Eveil National

  4. denis dit :

    Tout cela me semble très juste et plein de bon sens : dommage que les politiques chargés de nous pondre des lois et des législations contraignantes ne l’entendent pas de cette oreille ! Quant aux flics, il ne faut pas espérer de leur part qu’ils écoutent un autre son de voix que celui de la loi qu’ils sont chargés de faire respecter, sans réfléchir ni critiquer !
    Comme quoi, on peut être à fois titulaire de la légion d’honneur et professeur à Dauphine (2 tares conséquentes à mes yeux) et dire des choses justes !

  5. Romu Say dit :

    Pascal salin nous sert du Paréto tendance automobile. Cet économiste italien part du principe que l’état ne doit pas intervenir en économie (plus d’intervention de l’Etat) car les acteurs économiques sont également informés et avisés et que leurs choix sont forcément rationnel et donc que la somme de ces choix rationnels font forcément un marché rationnel. Sur le papier, c’est impeccable, toutefois beaucoup d’entre nous, pour ne pas dire tous, ont des gens qui font des choix irrationnels économiquement (ne serait ce que parce que ca n’entre pas dans la préoccupation de cette décision à cet instant T) ou des escrocs ou encore entendu parler d’exemples de gabégie.

    Je suis d’accord pour le reste, espace d’individualité, de vie privée (d’ailleurs, le droit le reconnait comme tel et traite le véhicule comme une extension de domicile et le soumet à des régles de perquisition comparables à cetlles d’une maison)

    Ceci, posé, je ne pense pas qu’un raisonnement extrême nous serve, je préfère davantage celui de madame Gaillard (ligue des conducteurs) qu ne nie pas l’existence de chauffards qui nous a fait un excellent commentaire du rapport de la loi des finances 2013, où elle nous explique que les radars, c’est fait pour réguler la circulation, pas pour rapporter de l’oseille.

    Je pense qu’il vaudrait mieux se concentrer sur le retrait de points pour un excès de vitesse inférieur à 20 km qui est une absurdité parce que ca peut arriver même à un bon conducteur que de se retrouver à plus 6, surtout avec les radars embarqués ou dissimulés

    C’est une politique infantilisante qui transforme nos flics en agents du fisc (quoi que ces derniers sont soumis à une charte et doivent être loyaux dans leurs procédure

    Il est nécessaire que l’Etat interviennt pour entretenir les routes, chopper les vrais chauffards et être impitoyables avec eux. C’est à cause d’eux que l’on se retrouve avec une réglementation tatillonne et idiote

  6. dubois dit :

    C’est la résurection de la « sincro-sainte inquisition » , pourtant disparue officiellement depuis 500 ans ….

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